Le chemin des fontaines bretonnes

lundi 11 mai 2009
par PierreAndre29
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Le chemin des fontaines bretonnes
tro feunteuniou Breiz
Roger Le DEUNFF
editions Danceau coop breiz 1996

Extrait : PREFACE de Michel MOHRT de l’Académie Française (Février 1993)

Comme le culte de sainte Anne ; comme les vierges noires au carrefour des chemins ; comme les villes englouties, les dragons et bien d’autres légendes, les fontaines sacrées rattachent la Bretagne à son passé celtique le plus ancien. Elles aussi, comme « la Bonne Femme Sainte Anne Grand’tante du petit Jésus », (ou plutôt « grand’mère » : dans l’admirable poème La Rapsode Foraine et le Pardon de SainteAnne La Palud, Tristan Corbière donne à sainte Anne l’un et l’autre titre), comme patronne des Bretons, sans doute déesse païenne christianisée, les fontaines sacrées ont une origine païenne. MâÎtres de l’eau, comme du feu, les druides prononçaient des paroles magiques qui rendaient l’eau des fontaines capables de guérir les maladies, de féconder ou de prévoir. Elles avaient des propriétés thérapeutiques. Le clergé chrétien, pour faire oublier cette origine, donna aux fontaines des protecteurs, saints vénérés dans la chrétienté toute entière, ou bien moines et saints hommes venus au VIe et au VIle siècles, avec leurs paroisses, du pays de Galles, de Cornouailles et d’Irlande, fuyant l’envahisseur saxon. Dès la fin du Moyen Age, puis au moment de la Renaissance bretonne, au XVIIe et au XVIIIe siècles, de charmants édifices furent construits au-dessus des bassins où surgissaient des eaux. Souvent, ils se trouvaient dans l’enclos paroissial ou à l’extérieur, à l’entrée du village, comme à Saint-Pol de Léon. Ils ont la forme de petites chapelles à ciel ouvert, une niche aménagée dans la pierre sert d’abri à une statue du saint patron. Cette statue a souvent disparu.
On a distingué trois sortes de pratiques rituelles auxquelles l’eau miraculeuse des fontaines sacrées donnent lieu.
Il y a les rites de guérison : l’eau guérit les rhumatismes, la goutte, la rage, les fièvres, les maladies d’enfants.
Les rites de divination : elles permettent de connâÎtre la date d’un mariage ou la santé d’un enfant à nâÎtre. Je connais, à Saint-Efflam, une fontaine où les jeunes filles jettent dans l’eau courante une épingle ou un brin de paille dont le parcours, plus ou moins réussi, prédit un mariage proche ou lointain.
Enfin, les rites de protection du bétail guérissent bovins et chevaux. Il y a parfois des sources jumelles (N.D. du Giaudet, à Lanrivain) ; parfois l’eau jaillit dans la chapelle même ou dans l’église, comme à Lanmeur. La fontaine se trouve dans la crypte où elle répand ses eaux qui ne s’évacuent que par infiltration ou évaporation. Sans doute l’église a-t-elle été bâtie sur un ancien temple païen. Une légende raconte qu’un chef, Riwod, après avoir tué son frère pour gouverner la Dornnomée (l’actuel Léon) coupa la main droite et le pied de son neveu Mélar pour l’empêcher de régner. On confectionna pour l’enfant une main d’argent et un pied de bronze qui grandirent en même temps que lui. La légende de l’homme à la main d’argent se trouve chez tous les peuples celtes, d’Irlande et du pays de Galles. On peut voir dans la crypte de l’église de Lanmeur une statue de Mélar, devenu saint, vénéré dans toute la Bretagne, à côté de la fontaine miraculeuse dont les eaux, un jour, engloutiront toute la contrée.
Des légendes de cette nature, remontant au VIème siècle et plus haut, ont souvent pris naissance au bord de ces fontaines. Je ne pense pas que la fontaine devant laquelle je passais au cours de mes promenades, le long de la rivière de Morlaix, puisse être considérée comme sacrée ? Elle est appelée Fontaine des anglais et la tradition (il ne s’agit plus d’une légende, car l’évènement se passa bien après le VIIème siècle) veut que l’eau qui coulait fut rougie du sang des anglais fuyant pour reprendre leurs embarcations après avoir pillé la ville. Poursuivis par les nobles et les bourgeois riches, et rejoints au lieu où se dresse la Fontaine, les ennemis furent tués pour la plupart au cours du combat.
Des poètes, des écrivains ont évoqué ces fontaine sacrées. Le plus beau texte inspiré par elles et la magie des eaux est sans conteste celui de Renan, dans sa « Prière sur l’Acropole » :
« Je suis née déesse aux yeux bleus, de parents barbares, chez les Cimmériens bons et vertueux qui habitent au bord d’une mer sombre hérissée de rochers, toujours battue par les orages... (...). Les nuages qui paraissent sans couleur, et la joie même y est un peu triste ; mais les fontaines d’eau froide y sortent du rocher, et les yeux des jeunes filles y sont comme ces vertes fontaines, où sur des fonds d’herbe ondulées, se mire le ciel »

Michel MOHRT
de l’Académie Française
(février 1993)


Commentaires

Gravatar de Matthieu
jeudi 18 juin 2020 à 08h02, par  Matthieu

J’ai eu la chance de visiter quelques petites villes en France, et celle qui s’est vraiment distinguée est Dinan, une petite ville bretonne fortifiée au bord d’une rivière endormie. En plus d’être éminemment pittoresque, la verdure qui l’entoure est extrêmement vivante, d’une manière typiquement européenne. Se promener le long du source de la rivière, juste à l’extérieur de la ville proprement dite, était une façon merveilleusement relaxante de communier avec la nature. J’aimerais suivre le même chemin dans un bateau à rames : une prise de vue française sur Trois hommes dans un bateau. Sans parler du chien !

 

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