Fontaines de Bretagne

Extrait du livre :
Fontaines de Bretagne
Albert Poulain - Bernard Rio

Introduction

Albert Le Grand écrit dans la Vie des Saints de la Bretagne Armorique, imprimée en 1636 à Morlaix/Montroulez, que « Saint Méen, plein de foy, se prosterna en oraison, en laquelle il pria Dieu de leur donner de l’eau, et, s’estant levé, il ficha son bourdon en terre, lequel retirant, il fit rejaillir une source d’eau vive, laquelle se voit encore maintenant, et est fort renommée pour la vertu qu’elle a de guérir d’une maladie, nommée par les médecins Prisa et par le vulgaire le mal de Saint Méen, qui est une forte galle ou rogne qui ronge jusqu’aux os ».

La fontaine existe toujours mais les processions et ablutions ont cessé au début du XXème siècle, jugées indignes par un clergé qui les a donc proscrites en croyant en finir avec les anciennes croyances attachées à un lieu saint.

N’en déplaise aux réformateurs de l’Eglise catholique et romaine, l’eau s’écoule toujours à Saint-Méen-le-Grand/Sant-Meven. La source rafraîchit les esprits de ceux qui s’y désaltèrent malgré la puritaine réprobation des clercs convertis au culte de la Raison.

Entre les Vème et IXème siècles, le miracle de l’eau jaillissant sous le bâton du saint s’est répété un peu partout :

Armel Arshael
Aubert Alverzh
Bieuzy Bieuzi
Conwoïn Konwoion
Corentin Kaourintin
Dolay Aelwez
Efflam Efflam
Elouan Elouan
Fiacre Fiakr
Géréon Gerent
Gildas Gweltaz
Gobrien Govran
Gouesnou Gouenoù
Goulven Goulwen
Guen Gwen
Guigner Gwinier
Gwénolé Gwennole
Hernin Hern
Hervé Herve
Lunaire Luner
Macaire Maker
Majan Majar
Malo Malo
Maudez Maodez
Melaine Melan
Mélar Melar
Molf Molv
Paul Aurélien Pol Aorelian
Quay Ke
Samson Samzun
Sané Sane
Urfold Urfol
Uniac Tewiniav
Vital Vio

tous ces saints sourciers ont célébré le culte de l’eau féconde et purificatrice, que leurs successeurs réguliers ou séculiers ont tenté de canaliser. A l’instar du sanctuaire de Saint Ivy/sant Ivi à Pontivy/Pondivi (56), combien de chapelles ont-elles enfoui dans leurs fondations les sources sacrées de l’antiquité celtique ?

La Bretagne est couronnée de chapelles dont le recensement méticuleux a eu lieu.
Qu’en est-il des fontaines ?
Sylvette Denèfle a dénombré plus de 1500 fontaines « dotées de pouvoirs particuliers » dans le Léon/Leon et la Cornouaille/Kernev, mais nul n’a entrepris de les comptabiliser sur l’ensemble du territoire. Seule une étude exhaustive du cadastre pourrait permettre d’évaluer la quantité de fontaines en Bretagne, en sachant qu’il convient de distinguer les fontaines profanes des fontaines sacrées sans pour autant exclure les puits.

A Guénin/Gwennin (56), la chapelle Notre-Dame-du-Mané-Guen/Itron-Varia-Manez-Gwenn est dotée de l’un et de l’autre. L’inscription gravée sur le puits suffit à le qualifier de sacré :
« Profond de 80 pieds, priez Dieu pour vos pères ».

D’autre part, on dénombre 443 puits pour seulement 17 fontaines à Indre/Antr (44), dans un département que Jean-Yves Eveillard présume pauvre en ces fontaines sacrées.

À l’instar de ces monuments mégalithiques démolis, des milliers de fontaines ont été comblées aux XIXème et XXème siècles : rasées et enfouies lors d’un remembrement destiné à niveler le paysage autant que la culture qui y puisait ses sources :
la fontaine Saint Jacques/Sant-Jakez à Guillac/Gilieg (56)
la fontaine Saint Méen/Sant-Neven à Bruc-sur-Aff/Brug (35)
la fontaine de Lochrist/Lokrist à Pont-Croix/Pontekroaz (29).

Chaque diocèse, chaque département a connu et connaît encore cet enfouissement patrimonial. Outre la dénaturation des lieux, les pratiques qui y sont enracinées sombrent dans l’oubli faute d’être transmises. Le recensement des fontaines et la collecte des croyances permettent fort heureusement de laisser ouvertes les portes du temps, ce temps qui passe et qui échappe à l’image de l’eau qui s’écoule, née et retournant à la terre.

Le fleurissement d’une fontaine, la présence de pièces dans un bassin, indiquent une permanence à la fois rituelle et spirituelle dans une société qui consomme de plus en plus, brasse et broie, s’individualise et évolue vers une mercantilisation effrénée. La Bretagne contemporaine n’est pas en dehors du cycle effroyable qui meut et moud les hommes épris d’argent. Elle n’est pas pour autant dénuée de sens. La fréquentation des fontaines n’est pas qu’un fait social car elle s’avère multiple dans ses pratiques profanes et spirituelles, thérapeutiques et magiques. Elle serait passéiste si les personnes allant aujourd’hui aux fontaines avaient la conscience et la volonté de copier un folklore d’un autre âge, comme ces reconstitutions de battages à l’ancienne où il ne s’agit pas de moissonner et de battre le grain mais seulement de faire semblant pour amuser une foule désoeuvrée.

Les rites de guérison, commentés par les ethnologues depuis le XIXème siècle, s’inscrivent dans un temps continu.

La fontaine guérisseuse de saint Divy/sant Divi à Landébia/Landebiav (22) ou celle de Sainte Candide/Santez-Gwenngunv à Scaër/Skaer (29) s’apparentent à la fontaine de la santé de la mythologie irlandaise :
« Diancecht et ses deux fils et sa fille, c’est à dire Octriuil, Airmed et Miach, chantaient des incantations sur la source dont le nom est santé. Leurs hommes blessés mortellement y étaient jetés tels qu’ils avaient été frappés. Ils étaient vivants quand ils en sortaient. Leurs blessures mortelles étaient guéries par la force de l’incantation de quatre médecins qui étaient autour de la fontaine »
(Whitley Stokes, Revue Celtique XII, traduction Christian-J. Guyonvarc’h, Textes Mythologiques Irlandais).

L’incantation des médecins n’est pas seule à agir. Le verbe renforce les vertus de l’eau. Peut-être subsiste-t-il encore des pratiques individuelles et anonymes mais les rites d’immersion collective dans les fontaines auraient disparu dans les Pardons contemporains, exception faite des chevaux qui bénéficient encore de ces rites millénaires.

En 1612, l’évêque de Saint Malo/Sant-Malo dénonçait pourtant ceux qui murmuraient « quelques charmes, appelées Oraisons, à l’oreille d’un cheval ». Au siècle suivant, le géographe Jean-Baptiste Ogée (1728-1789) décrivait, quant à lui, des ablutions.

« À un quart de lieue de Plérin est une chapelle dédiée à saint Eloy, dont la fête se célèbre au mois de juin. Les paysans des environs ont rendu ce saint le patron des juments et des chevaux. Tous les ans, au jour de la fête, les habitants des paroisses de dix lieux à la ronde y viennent en pèlerinage. Après leurs prières faites à la chapelle, ils vont à la fontaine qui se voit auprès, y puisent de l’eau avec une écuelle, et la jettent dans la matrice et sur les oreilles de leur jument, et en arrosent les testicules de leur cheval dans la persuasion que cette eau a des vertus prolifiques. Cette opinion est si gravée dans l’esprit de ces bonnes gens qu’il serait impossible de l’en déracinner. » (Jean-Baptiste Ogée, Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne, 1778-1780) ; réédition Joseph Floc’h, Mayenne).

L’incantation et l’ablution ont toujours cours dans les pardons équestres au XXIème siècle. On peut donc penser que les fontaines bretonnes conservent leurs antiques vertus et leurs dévots. Le rite est indissociable du lieu, cette constante demeure dans la Bretagne actuelle. Par rite, il faut entendre le geste et la croyance qui s’y rattachent. Il s’agit bien plus que d’un usage ou d’une pratique. Se rendre à la fontaine ne suffit pas pour que le voeu soit exhaucé. À cette fontaine de Saint Méen/Sant-Neven de Bains-sur-Oust/Baen-Ballon (35), c’est au lever du jour et trois fois de suite que le demandeur doit officier.

Les fondations d’une fontaine, sa fonction, les rites qui y sont célébrés, son architecture sont des éléments déterminants pour distinguer la fontaine guérisseuse de la fontaine oraculaire, la fontaine sainte de la fontaine profane... Ces critères différencient mais peuvent aussi se cumuler pour qu’une fontaine sainte devienne guérisseuse et oraculaire. La présence d’un saint n’est, par ailleurs, nullement obligée pour lui conférer une vertu sacrée. La Fontaine-Blanche est tout aussi sacrée que la fontaine dédiée à Notre-Dame. Nulle obligation, non plus, d’une architecture monumentale pour sacraliser une source. Le rite seul peut qualifier une fontaine de sainte, guérisseuse, légendaire, magique... La Bretagne est riche d’une multitude de fontaines qui offrent une multitude de rites et de patronages. Cette profusion est un fait exceptionnel, une source intarissable où le visiteur peut s’abreuver de surnaturel et de légendaire, découvrir la diversité des styles d’architecture depuis la protohistoire celtique jusqu’au XIXème siècle où l’homme moderne se relie à un monde intemporel, où il redevient acteur par jeu ou/et par croyance en sacrifiant à la fontaine. Cette dévotion aux eaux demeure une réalité opérative dont seuls les ignorants doutent aujourd’hui.


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